Yvette, 89 ans, a choisi une "famille d’accueil" pour vieillir comme à la maison
Cela fait près de deux ans que Martine héberge Yvette à domicile, dans son appartement situé dans le centre-ville de Hyères.
DOSSIER. COMMENT MIEUX PRENDRE SOIN DE NOS AÎNÉS. Episode 6. Le dispositif, proposé par le Conseil Départemental, n’est pas toujours très bien connu du public. Il se révèle pourtant très efficace pour tous les seniors en perte d’autonomie qui refusent de terminer leurs jours en maison de retraite. Martine est "accueillante" depuis une vingtaine d’années. Elle nous a ouvert les portes de son appartement hyérois, où Yvette s'est installée depuis deux ans.
C’est l’heure du goûter. Au menu: une pêche coupée en morceaux pour les vitamines, des petits biscuits au blé pour le côté croquant, et un café pour le "peps" servi avec une sucrette et demie. A voir Yvette, 89 ans, se régaler de la sorte, deux théories sont possibles.
1) Ou bien la nonagénaire vient de participer à Koh Lanta et a été contrainte au régime forcé pendant des semaines.
2) Ou alors, son plateau repas a été préparé sur-mesure, selon ses désirs.
Après enquête auprès de Martine, qui a concocté ce petit en-cas avec bienveillance, c’est bien la seconde théorie qui tient la corde. "L’intérêt d’être placé en famille d’accueil, dit-elle, c’est de pouvoir apporter un service individuel à la personne accueillie."
L’ACCUEIL FAMILIAL: COMMENT ÇA MARCHE?
Ce dispositif, qui existe dans tous les départements de France, permet aux personnes âgées (ou handicapées) en perte d’autonomie, d’être accueillies à domicile, plutôt qu’en maison de retraite. L’agrément dure cinq ans pour les accueillants familiaux. Le Service social d'accompagnement et de coordination gérontologique est chargé du suivi social et médico-social des personnes accueillies, à travers des visites régulières.
"Pour obtenir cet agrément, explique-t-on au Conseil départemental du Var, le logement doit respecter les normes d'accessibilité en vigueur. Puis une chambre d'au moins 9m2 doit être mise à disposition de la personne accueillie."
Pas besoin de qualification particulière ni de diplômes requis pour postuler en tant qu’accueillant. "Il faut juste avoir l’envie de s’occuper de quelqu’un". Dans les faits, on trouve souvent d’anciennes aide-soignantes, mais aussi "des gens qui n’ont jamais touché aux médico-social". D’un point de vue administratif, l’accueilli est considéré comme l’employeur de l’accueillant. Et lui verse donc un "salaire" de "2.000 à 2.500 euros par mois charges comprises", pour être "logé, nourri, blanchi".
"ON LIT LE JOURNAL, ON MANGE ENSEMBLE, ON DISCUTE"
Comme une grande majorité des familles d’accueil, Martine héberge trois personnes âgées (le nombre maximum) à domicile. "La première chose qui m’a plu dans le métier d’accueillante,raconte-t-elle, c’était de pouvoir concilier ma vie familiale et professionnelle. Je venais de divorcer et il fallait que je puisse m’occuper de mes enfants." Très vite, Martine a été séduite par ce "métier enrichissant basé avant tout sur le relationnel".
"En plus de la compagnie, une relation affective peut aussi se créer avec la personne accueillie", assure-t-elle. Ce n’est "pas toujours le cas", mais avec Yvette, on sent que le courant passe plutôt bien. "On lit le journal, on mange ensemble, on discute. C’est très agréable car on s’entend bien." Les deux femmes se tutoient d’ailleurs comme deux copines de longue date.
"On aurait pu aller dans une maison de retraite mais on s’est dit qu’elle se sentirait plus "cocoonée" ici"
Cela fait pourtant que deux ans que Yvette a posé ses valises chez Martine. Ce sont ses enfants qui ont décidé, avec son accord, de lui trouver une famille d’accueil. "Quand elle a commencé à tomber et ne plus être complètement autonome, on a pris cette décision, confie Claudine, l’une de ses filles. On aurait pu aller dans une maison de retraite mais on s’est dit qu’elle se sentirait plus "cocoonée" ici."
"C’EST COMME MA FAMILLE"
Aujourd’hui, tout le monde semble avoir trouvé son équilibre. "Quand j’ai besoin d’aide, j’appelle Martine", résume Yvette, bien calée dans son fauteuil. Et elle arrive à la rescousse. "Martine, elle fait tout. Elle m’aide. C’est comme ma famille", dit-elle un sourire en coin. Accrochées au-dessus de sa tête, des photos de famille, justement. Enfants, petits-enfants, ils sont tous là. Pour ne pas oublier non plus d’où elle vient.
"On s’occupe de bien de moi, tous les repas sont bons…"
La chambre d’environ 12 m2 est composée d’un lit simple, d’un petit bureau, d’une étagère, d’un fauteuil, et d’une TV. Yvette n’a rien besoin de plus. Quelques posters de plage, de bateaux et de mouettes font office de déco. Ici, elle se sent "très bien". "On s’occupe de bien de moi, tous les repas sont bons…" A part peut-être... "la soupe. Des fois, elle n’est pas bonne", grimace-t-elle, avec une innocence et une sincérité qui font plaisir à voir. Et qui, surtout, font bien marrer Martine et Claudine.
L’octogénaire peut aussi compter sur ses enfants qui passent la voir quotidiennement. Pour prendre la douche, c’est en revanche à une infirmière libérale qu’elle fait appel, deux fois par jour. Hormis quelques soucis de diabète, et un peu de fatigue liée à l’âge, Yvette déclare "bien"se porter.
Yvette est "logée, nourrie, blanchie" pour environ 2.000 euros par mois.
UN MÉTIER À TEMPS PLEIN
C’est évidemment un "métier à temps plein" pour Martine. Si la loi impose à l’accueillant d’avoir un remplaçant pour assurer "un accueil continu", elle peut donc compter sur son fils.
"L’avantage par rapport à une maison de retraite, c’est qu’ici, on est vraiment dans une relation individuelle"
L’hôte hyéroise connaît bien par ailleurs l’univers des Ehpad pour y avoir travaillé plusieurs années en tant que secrétaire. "L’avantage par rapport à une maison de retraite, analyse-t-elle avec un peu de recul, c’est qu’ici, on est vraiment dans une relation individuelle. On connaît énormément la personne. On sait combien de sucre elle prend dans son café et tout ce dont elle a besoin. Alors que dans une maison de retraite, tout est préparé collectivement. Ici, Yvette fait ce qu’elle veut, comme elle veut, quand elle veut."
Martine apprécie surtout que cette relation soit "basée sur l’échange". "Car Yvette, poursuit-elle, a envie de rentrer en contact avec les autres. Venir ici est un choix qu’elle a accepté et qu’elle cautionne."
Pour Yvette, Martine fait désormais "partie de la famille".
Ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les personnes âgées en perte d’autonomie. "Cela dépend des caractères, observe Martine. La maison de retraite peut mieux convenir à d’autres personnes." C’est pour cela, aussi, que l’accueillant et l’accueilli ont, comme dans tout emploi, une période d’essai d’un mois au terme de laquelle l’un ou l’autre peuvent se rétracter.
SÉCURITÉ ET AFFECTION
"Pour vivre en famille d’accueil, conclut Martine, il faut aussi que la personne fasse preuve d’une certaine souplesse, car ce n’est pas toujours évident de changer de cadre. Nous, on est là, pour leur assurer du confort, de la sécurité et de l’affection, tout en respectant leur rythme et leur personnalité. Après, on les accueille jusqu’à la fin de leur vie, sauf si ce n’est vraiment plus possible et que leur état nécessite une hospitalisation."
Le dispositif de famille d'accueil n’est pas toujours très connu, surtout dans la région, regrette-t-on au service chargé du contrôle des accueillants dans le Var. Pour exemple, le département du Nord recense en effet plusieurs centaines de familles d’accueil agrées pour recevoir des personnes âgées en perte d'autonomie, contre 18 dans le Var (pour 45 places), et 13 dans les Alpes-maritimes (pour 26 places).
EN SAVOIR PLUS
- Dans le Var
Tel : 04.83.95.15.16 ou 04.83.95.15.46 ou 04.83.95.15.52 ou 04.83.95.79.51 - Dans les Alpes-maritimes
Tel : 04.97.18.76.71