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FIN DE VIE. UNE CAMPAGNE POUR EN PARLER
Le télégramme - mardi 21 février 2017
 
la ministre marisol touraine presente l affiche de la 3302949La ministre Marisol Touraine présente l'affiche de la campagne au côté de Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de fin de vie. © Le Télégramme
 
Le sujet est pour le moins délicat, chargé d'émotion et de douleur lorsqu'il s'agit d'accompagner un proche dans ses derniers moments. Aussi, une campagne d'information, lancée hier et intitulée « La fin de vie, et si on en parlait ? », veut rappeler les changements législatifs entrés en vigueur depuis un an et inciter les Français à faire connaître leurs volontés à leur famille.
 
« Une invitation à la conversation »
« Ce que nous avons voulu faire, c'est une campagne chaleureuse, une invitation à la conversation et non une injonction » sur ce sujet difficile, explique Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, l'organisme qui a piloté la campagne avec le ministère de la Santé. L'objectif : inciter chacun à dire, de son vivant, s'il souhaite limiter ou arrêter les traitements qu'il pourrait recevoir en fin de vie, au cas où il deviendrait incapable alors d'exprimer sa volonté. Pendant un mois, un spot télévisé, des encarts dans la presse, des bannières sur internet et des interventions sur les réseaux sociaux déclineront ce message, mettant en scène une femme qui enfonce son bonnet sur ses yeux ou un homme qui cache son visage avec son journal, faisant « l'autruche » face à ce sujet parfois tabou. Des « rencontres citoyennes » seront aussi proposées dans toute la France, la première étant prévue le 7 mars, à Bordeaux.
 
Ce que prévoit la loi de 2016

La loi sur la fin de vie du 2 février 2016 « accorde des droits nouveaux » aux personnes en fin de vie et opère un « changement de paradigme » en disant que les directives anticipées s'imposent à l'équipe soignante, a estimé, hier, la ministre de la Santé, Marisol Touraine. En effet, la possibilité de coucher, par écrit, son éventuel refus de l'acharnement thérapeutique existait depuis la loi Leonetti de 2005, mais ces directives n'étaient valables que trois ans et pouvaient ne pas être suivies par le médecin. Ce droit était aussi très mal connu : en 2012, seuls 2,5 % des patients en fin de vie avaient rédigé leurs directives anticipées, selon une étude de l'Institut national démographique (Ined). Le texte de 2016 prévoit, lui, que les directives anticipées s'imposent au médecin « sauf en cas d'urgence vitale, pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation » et lorsque qu'elles apparaissent « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». La loi ouvre, par ailleurs, la possibilité d'une « sédation profonde et continue » jusqu'au décès, c'est-à-dire l'administration de sédatifs pour permettre à des malades graves en phase terminale, dont la souffrance est insupportable, d'être endormis jusqu'à leur mort (lire ci-dessous). Le texte clarifie aussi le « refus de l'obstination déraisonnable », en précisant les conditions dans lesquelles l'arrêt des traitements pourra être décidé.

Des soignants vigilants
Une campagne auprès des professionnels de santé a déjà été menée en décembre, pour les aider à engager le dialogue avec leurs patients. La Haute Autorité de santé a également publié une fiche méthodologique « pour identifier les patients qui relèvent de soins palliatifs » et proposer « des conseils pour en parler avec eux ». La Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui rassemble 5.000 soignants, a toutefois affirmé, fin janvier, qu'elle refuserait « certaines pratiques » et s'opposerait « à des évolutions législatives qui ne lui sembleraient pas conformes à l'intérêt des patients ou aux valeurs qui rassemblent ses adhérents ».

Le débat sur le droit à l'euthanasie relancé
Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, estime, en revanche, que la loi ne va pas assez loin et milite pour le droit à l'euthanasie. « Cette loi ne permet pas au patient de décider puisque la seule chose qu'il peut avoir, c'est une sédation terminale », qui « peut parfois durer trois semaines » durant lesquelles certains patients souffrent, du fait notamment de l'arrêt de l'hydratation, explique-t-il. Il regrette, par ailleurs, que son organisation n'ait pas été associée au lancement de la campagne. Parmi les candidats à l'élection présidentielle, Yannick Jadot, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon souhaitent aller vers une autorisation de l'euthanasie et, pour ce dernier, du suicide assisté, qu'il propose d'inscrire dans la Constitution.

Un site internet
www.parlons-fin-de-vie.fr
 
En complément :
 
Les mots clés du débat L'objectif des soins palliatifs est de préserver la qualité de vie des patients face aux symptômes et aux conséquences d'une maladie grave, potentiellement mortelle.© Le Télégramme
1. Sédation profonde et continue. L'administration de sédatifs (substances anti-douleurs et apaisantes) de manière « profonde et continue », autorisée par la loi Leonetti-Claeys du 2 février 2016, permet à des malades gravement atteints en phase terminale, dont la souffrance est insupportable, d'être endormis jusqu'à leur mort. Le droit à une « sédation profonde et continue », c'est « le droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir », selon la formule du député Jean Leonetti (LR), également praticien hospitalier.
2. Soins palliatifs. « Les soins palliatifs sont tous les traitements    médicamenteux et non médicamenteux donnés à une personne non guérissable, dont la maladie évolue et s'aggrave, conduisant à des souffrances physiques et morales », selon Benoît Burucoa, chef de service de l'unité de soins palliatifs de l'Hôpital Saint-André, à Bordeaux. Les objectifs de la médecine palliative sont le soulagement du corps, l'apaisement moral, la personnalisation de l'accompagnement du malade et des proches, pas forcément dans l'optique d'un décès imminent.
3. Euthanasie. Le terme, qui vient du grec « bonne mort », désigne l'acte d'un médecin, voire d'un tiers, « qui provoque la mort d'un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie » (définition Larousse). Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE, organisme chargé de réfléchir aux questions éthiques) définit l'euthanasie comme « un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable » (Rapport fin de vie d'octobre 2014). Dans les pays ayant adopté une législation favorable à l'euthanasie, ce terme est réservé aux situations où il existe une demande formulée par la personne malade, ce qui permet de distinguer l'euthanasie de l'homicide, qui est le fait de donner la mort à une personne qui ne l'a pas demandée.
4. Euthanasie passive et indirecte. L'euthanasie indirecte peut se définir comme le fait de donner à une personne des substances pour réduire sa souffrance avec, comme effets secondaires possibles, la mort. L'euthanasie passive est l'interruption volontaire de traitements médicamenteux ou d'appareils qui maintiennent en vie une personne, ou encore l'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation artificielles.
5. Suicide assisté. Le suicide avec assistance médicale ou encore l'assistance au suicide « diffèrent » en principe de l'euthanasie car, dans ce cas, « l'acte létal est accompli par la personne malade elle-même », précise le CCNE.
 
Quelles sont les démarches ?
Des « directives anticipées ». Toute personne majeure peut, si elle le souhaite, faire une déclaration écrite appelée « directives anticipées » pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie. Ce document aidera les médecins, le moment venu, à prendre leurs décisions sur les soins à donner, si la personne ne peut plus exprimer ses volontés. La personne majeure sous tutelle peut rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille, s'il existe.
Comment les rédiger ? Elles doivent prendre la forme d'un document écrit sur papier libre, daté et signé. Ce document doit comporter : nom et prénom, date et lieu de naissance. Vous pouvez également demander conseil à votre médecin habituel. Si vous êtes dans l'incapacité d'écrire, vous pouvez faire appel à deux témoins, dont votre personne de confiance, pour les rédiger à votre place.
Facilement accessibles. Face à un malade qui n'est plus capable d'exprimer ses volontés, les médecins doivent chercher à savoir s'il a rédigé des directives anticipées. Il est donc important qu'elles soient facilement accessibles. Vous devez donc informer votre médecin et vos proches de leur existence et de leur lieu de conservation.
À tout moment modifiées ou annulées. Les directives anticipées ont une durée illimitée. Toutefois, elles peuvent être à tout moment modifiées ou annulées.